Voici la promotion 2023 des nouveaux mots du Petit Robert. Parmi les heureux élus : « complosphère », « mégenrer », « multivers », « crush » ou encore « ghoster ». Ces mots sont la preuve de l’évolution de la langue française et des débats de société qui émergent dans le pays. Né en 1967, Le Petit Robert est riche de plus de 100.000 mots et expressions. Et 150 de plus dans la prochaine édition.
Des mots en lien avec l’actualité
Des mots régulièrement utilisés dans les médias trouvent une place dans le futur Petit Robert. Il y a par exemple « complosphère », que l’on a pu entendre régulièrement en lien avec la pandémie de Covid-19. Le terme qualifie ainsi « l’ensemble des personnes qui participent à la diffusion d’idées jugées complotistes sur Internet ». Il y a également « nasser », employé lors des manifestations contre la réforme des retraites. Ce mot apparaît pour l'instant dans la version numérique du Robert et signifie « encercler, retenir (des manifestants) par un cordon d’agents des forces de l’ordre ».
Un aperçu de l’évolution de la société
La question du genre est de plus en plus prégnante en France, et son champ lexical se développe. Le mot « mégenrer » est apparu, désignant le fait d'attribuer à une personne, volontairement ou non, un genre dans lequel la personne ne se reconnaît pas. « Le genre est un thème créateur de mots nouveaux », explique Géraldine Moinard, la directrice éditoriale du Petit Robert. « Le mot “iel” était entré il y a deux ans. Cela a été une surprise pour nous de voir un débat aussi virulent pour un mot de trois lettres », se souvient-elle.
Si vous avez la main verte, l’aquaponie doit vous parler. Il s’agit d’une « culture hors sol de plantes terrestres reliée en circuit fermé à l’élevage d’espèces aquatiques ». Les mots « metaverse » et « métavers » font également leur entrée dans le dictionnaire. Deux sports ont les honneurs du Robert : le parkour, cette pratique qui consiste à se déplacer en franchissant des obstacles, et le wingfoil, un sport de glisse nautique.
Du vocabulaire issu de l’étranger et de la francophonie
La francophonie apporte son lot de nouveaux mots et vient enrichir la langue française. Au Liban, une personne brave désigne une personne douée, brillante. En Belgique, être en gayolle signifie être en prison. La gayolle désigne aussi une cage où l’on enferme les oiseaux, les petits rongeurs domestiques. Sachez aussi que pour qualifier des personnes incompétentes, incapables de faire quelque chose, vous pouvez vous exclamer : « Quelle bande de klettes ! »
La jeunesse enrichit le vocabulaire
Le Robert fait aussi rentrer dans le langage commun des mots surtout employés par les plus jeunes : « bader » (éprouver de l’inquiétude, de la tristesse ou de la mélancolie), « crush » (avoir un coup de cœur pour quelqu’un), « ghoster » (rompre soudainement tout contact avec quelqu’un sans explication), ou encore « être en PLS » (se sentir mal, être au bout de sa vie). Exemple : « Je suis en PLS, mon crush m’a ghosté, ça me fait bader ! »
Très utilisé dans les cours de récréation, propagée par TikTok, l'expression « Quoicoubeh » a été recalée explique la direction du Petit Robert. L’an dernier, « chiller » (« prendre du bon temps à ne rien faire ») et « go » (« jeune fille, jeune femme » ou « petite amie ») avaient déjà été choisis.
Élisabeth Borne dans le dictionnaire
Le Robert, ce sont aussi des noms propres. La Première ministre Élisabeth Borne a cette année les honneurs du dictionnaire, tout comme l’économiste français Philippe Aghion, et le nouveau roi d’Angleterre Charles III. L’écrivain Kamel Daoud, le poète canadien David Goudreault et la philosophe française Geneviève Fraisse intègrent également le Robert. Le groupe paramilitaire Wagner, très présent dans le conflit en Ukraine, a le droit à sa définition.
Comment sont choisis les mots du Robert ?
Les mots intègrent le dictionnaire en fonction de leur fréquence d’usage. Comme l’explique le site du Petit Robert, « les documentalistes effectuent des détections semi-automatiques dans des corpus de textes variés, issus principalement des médias, de la littérature et des réseaux sociaux ». Les recherches des utilisateurs restées sans réponse dans les dictionnaires numériques sont scrutées, tout comme les requêtes de définitions les plus fréquentes dans les moteurs de recherche. Ensuite, les mots sélectionnés sont débattus en comités éditoriaux pour savoir s’ils entrent ou non.
Il y a entre 1000 et 1500 « candidats » chaque année. « Avant leur sélection, les mots font l’objet d’une observation attentive par les lexicographes, souvent durant plusieurs années, afin de s’assurer de leur pérennité », ajoute Le Petit Robert, ou bien de leur importance pour comprendre l’époque actuelle.